Avez-vous des observations sur la trajectoire d’objectifs de réduction d’intensité carbone et les trajectoires d’usage d’énergie renouvelable dans certaines filières de carburant ?
France gaz soutient l’objectif de la directive RED III d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale de l’UE d’ici 2030, en particulier l’obligation imposée aux fournisseurs d’énergie d’atteindre une réduction de 14,5% de l’intensité de gaz à effet de serre des carburants fournis à l’ensemble des modes de transport d’ici 2030.
France gaz salue la volonté de l’administration d’offrir une visibilité jusqu’en 2035 sur les trajectoires d’obligation dans le cadre de l’IRICC. Cette visibilité est une condition essentielle pour encourager les investissements durables dans les capacités de production, en particulier pour les filières émergentes.
S’agissant du GNV, France gaz considère que l’objectif d’incorporation de 0 % en 2026 et 2027 est indispensable pour permettre l’émergence des premières unités de biométhane non subventionné en France. Une contrainte prématurée risquerait d’orienter le marché vers l’importation de certificats (hors de France, voire hors UE), sans bénéfice structurant pour la filière nationale.
A ce titre, il nous parait essentiel de trouver des leviers pour favoriser l’amorçage du mécanisme pour le bioGNV :
- assurer une prévisibilité à long terme des paramètres du dispositif afin d’encourager les investissements dans les moyens de production, sans s’interdire la possibilité de moduler à la hausse l’objectif GNV (par exemple pour 2028 et 2029) en fonction de la montée en puissance de la production de volumes de bioGNV aptes à générer des certificats ;
- rendre éligible les volumes de biométhane produits, au-delà de la Cmax, par des sites bénéficiant d’un tarif d’achat ;
- clarifier la possibilité pour un site de méthanisation durable qui ne bénéficie pas des tarifs d’achat de valoriser une partie de sa production en GO pour l’IRICC et une autre partie en certificats de production de biogaz (CPB).
En ce qui concerne le GPL, France gaz rappelle que, si le bioGNV est en effet issu du biométhane, le bioGPL est un co-produit systématique des bioraffineries. Or, le tableau du III de l’article 2 du projet d’arrêté propose des niveaux d’obligation identiques pour le GNV et pour le GPL.
Afin d’inclure dans l’IRICC une trajectoire de réduction de l’intensité carbone et une trajectoire EnR soutenables au regard des spécificités du bioGPL, il convient d’intégrer des trajectoires réalistes comme suit :
- Trajectoire EnR :
- 2026 & 2027 : 0 % (cf. réponse à la question 8)
- 2028 : 5,2%
- 2029 : 5,3%
- 2030 : 6,2%
- 2031 : 7,6 %
- 2032 : 9,2 %
- 2033 : 10,9%
- 2034 : 12,6 %
- 2035 : 14,5%
- Trajectoire de réduction de l’intensité carbone :
- 2026 & 2027 : 0 % (cf. réponse à la question 8)
- 2028 : 1,6%
- 2029 : 2,8%
- 3030 : 4,2%
- 2031 : 6,6%
- 2032 : 8,8%
- 2033 : 11,3%
- 2034 : 14%
- 2035 : 18,7%
Au-delà des trajectoires proposées, il est crucial que le mécanisme IRICC offre un cadre économique attractif. En particulier, le marché des certificats GES devra refléter l’ambition des pouvoirs publics via un niveau de prix suffisamment élevé, stable et prévisible pour créer un signal d’investissement fort.
Aujourd’hui, la complexité de la formation des prix des certificats GES, liée à la diversité des filières, engendre une forte incertitude sur leur valorisation et donc sur la possibilité pour des investisseurs de lancer de nouveaux projets reposant entièrement sur ce dispositif. A date, France gaz s’interroge si le niveau de la trajectoire de réduction de GES global permet de garantir un signal prix suffisant, et de répondre à l’objectifs de -14,5% de GES de la directive RED III.
Ainsi, France gaz appelle à :
- la mise en place d’un dispositif de régulation (pouvant s’apparenter à un prix plancher) permettant de s’assurer du maintien d’un prix du certificat GES incitatif tout en garantissant l’atteinte des objectifs.
- un rehaussement de la trajectoire globale de GES, au moins sur le début de la période ;
L’application d’objectifs dédiés à certaines filières vous parait-il devoir être modifié ? Auquel cas, comment et pourquoi ?
Le principe d’objectifs différenciés par filière est pertinent pour répartir les efforts et assurer une certaine cohérence au regard des options techniques disponibles dans un avenir prévisible. Associé au principe de fongibilité, le mécanisme doit permettre aux acteurs économiques de contribuer collectivement à l’atteinte de l’objectif global d’intégration d’énergies renouvelables et de réduction de l’intensité carbone des carburants.
Par ailleurs, comme évoqué dans la réponse 1, les filières GNV et GPL ne peuvent avoir les mêmes trajectoires. En effet, les intrants, les technologies, modes de productions et les filières de production sont radicalement différents.
Comment le secteur de l’aviation doit-il interagir avec le mécanisme ?
Pas de commentaire.
Comment le secteur du maritime doit-il interagir avec le mécanisme
La France dispose d’un fort potentiel en biométhane, dont la grande majorité est avancé. En utilisant cette ressource, la France peut se positionner comme un acteur central du soutage de la flotte de navires GNL en pleine expansion. Composée de navires moins émetteurs, cette flotte représente une opportunité stratégique pour renforcer la compétitivité des ports français, tout en consolidant la souveraineté énergétique nationale.
Avec des objectifs IRICC adaptés, de la visibilité sur le prix des certificats GES, et compte tenu de sa capacité à distribuer des volumes significatifs de bioGNL, le secteur maritime a la capacité de générer des excédents de certificats de réduction de GES et de biocarburants avancés. Ces certificats pourront être revendus à des secteurs en déficit comme le transport routier en diminuant leur dépendance à des carburants avancés liquides, souvent plus coûteux et moins accessibles. Le maritime jouera alors un rôle de levier dans l’atteinte collective des objectifs de décarbonation prévus par la directive RED III, et ce à moindre coût.
France gaz salue l’intention de l’administration de rapprocher l’objectif de l’IRICC de celui du règlement européen FuelEU Maritime. En effet, il est essentiel que la transposition de la Directive RED III en France garantisse un traitement favorable pour le secteur maritime français en s’alignant strictement avec les objectifs de décarbonation inclus dans le règlement FuelEU Maritime sans surtransposer les dispositions et obligations afférentes.
Toutefois, la trajectoire proposée dans cette consultation ne prend pas en compte la méthodologie utilisée dans Fuel EU Maritime pour calculer les réductions de GES à respecter. Il important de rappeler que ce dernier prévoit des notamment objectifs différenciés notamment selon le type de motorisation des navires, en raison de la variabilité de la référence fossile utilisée.
À titre d’illustration :
Objectifs IRICC maritime | Objectifs Fuel UE Maritime en fonction de la motorisation du navire concerné | ||||
LNG Otto M | LNG Otto S | LNG Diesel | LFO | ||
2030 | -6,0% | -4,0% | 0% | 0% | -6,1% |
2035 | -14,5% | -12,7% | -6,0% | 0% | -15% |
(LNG Otto M (LNG Mono-fuel – cycle Otto, LNG Otto S (LNG Dual-fuel – cycle Otto), LNG Diesel (LNG Dual-fuel – cycle Diesel), LFO (Light Fuel Oil))
De plus, les réductions prévues dans FuelEU Maritime s’appliquent :
- à 100 % de l’énergie utilisée lors des trajets et escales dans les ports de l’UE/EEE ;
- à 50 % de l’énergie utilisée lors des trajets entre l’UE/EEE et les pays tiers.
De ce fait, la trajectoire proposée dans la consultation IRICC semble surévaluée pour la majorité des navires actuellement soutés en France. Un niveau d’exigence aussi élevé pour l’IRICC aurait plusieurs conséquences négatives :
- Augmentation des coûts pour les trafics maritimes non délocalisables, fragilisant la compétitivité des opérateurs français.
- Délocalisation du soutage : les armateurs pourraient privilégier des ports voisins (en Europe ou hors UE) mieux préparés et plus compétitifs pour l’avitaillement, entraînant un transfert d’activité au détriment des ports français.
- Affaiblissement de la filière industrielle française : cette dynamique pourrait toucher non seulement le secteur portuaire, mais aussi l’amont industriel (production de carburants alternatifs, infrastructures de soutage, etc.).
- de la motorisation réelle,
- et des itinéraires (trafics intra-UE, trajets avec pays tiers, escales, etc.),
- des navires qu’ils avitaillent.
Ceci permettrait de limiter les risques évoqués tout en assurant un signal environnemental cohérent.
A défaut, France gaz recommande de définir une trajectoire IRICC maritime moyenne définie à partir du panel des navires actuellement soutés en France.
Enfin, la trajectoire IRICC devra être réévaluée à moyen terme en fonction de l’évolution du cadre réglementaire international, notamment le mécanisme de taxation du carbone maritime actuellement en discussion à l’OMI (Organisation Maritime Internationale), dont l’adoption est attendue en fin d’année.
En somme, l’IRICC devra s’insérer de manière cohérente et complémentaire entre les mécanismes européens (FuelEU, EU ETS maritime) et internationaux, sous peine de voir les navires se détourner des ports français au profit de juridictions plus attractives, compromettant les ambitions climatiques, économiques et industrielles nationales.
Le niveau des pénalités vous parait-il correctement dimensionné ? Si non, pourquoi et quelles pénalités seraient plus adaptées ?
Les niveaux proposés dans le cadre de la consultation sont cohérents et traduisent la volonté de l’État de faire de l’IRICC un mécanisme incitatif pour les filières intégrées dans son périmètre.
Cependant, le niveau des pénalités, bien que relativement élevé, ne suffira pas à lui seul à garantir une valeur des certificats à la fois élevée et stable dans le temps. Sans dispositif de régulation, le signal prix risque de rester trop volatil, voire insuffisamment incitatif pour déclencher les investissements nécessaires dans les filières concernées.
Avez-vous des observations relatives à l’architecture de ce mécanisme et des sous-objectifs en tant qu’incitation au déclenchement des investissements en faveur de la production de biocarburants avancés et de carburants de synthèse ? Vous semble-t-il devoir être adapté pour répondre à cet objectif, tout en restant une fidèle transposition de la réglementation européenne ? Quelles mesures complémentaires vous paraissent nécessaires ?
La filière gazière est consciente de la nécessité d’investir dans l’émergence du e-méthane, mais la maturité technologique reste insuffisante à ce jour. Dans ce contexte, les sous-objectifs relatifs aux e-fuels, apparaissent comme des contraintes sans levier d’investissement à court ou moyen terme, réduisant l’intérêt d’un tel mécanisme.
Concernant les biocarburants avancés, alors que la directive RED III n’impose aucun plafond, l’IRICC propose de plafonner l’usage des tallols à 0,2%. Ceci constitue une surtransposition de la directive RED III qui doit être retirée du dispositif de l’IRICC. Au demeurant, et hors intrants listés à la partie A de l’annexe 9 de la directive, il conviendra de retirer toute sur-limitation d’intrants, telles que les graisses animales, au regard des objectifs de la directive RED III.
Quelles sont vos observations sur les trajectoires d’usage de biocarburants avancés et d’hydrogène renouvelable ? Vous semble-t-il préférable d’opter pour un objectif de RFNBO de 1,5% en 2030, avec un objectif de biocarburants avancés de 1,55%, ou plutôt un objectif de RFNBO de 0,8% et un objectif de biocarburants avancés de 2,22% ?
Comme évoqué dans la réponse précédente, compte tenu des volumes disponibles qui resteront très limités d’ici 2030, il nous paraît plus pertinent de reculer la mise en place d’un objectif dédié à 2030.
À ce stade, il semble préférable de concentrer les efforts sur la montée en puissance des biocarburants avancés dont le potentiel de déploiement à court terme est plus réaliste. Rehausser la trajectoire d’utilisation de ces biocarburants serait ainsi une option plus adaptée et plus efficace pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur.
Il est prévu que le nouveau mécanisme, dont la gestion sera entièrement dématérialisée, commence à s’appliquer en 2026. Anticipez-vous des difficultés ?
Nous accueillons positivement une mise en place du mécanisme dès 2026, à la condition bien sûr que les outils de gestion soient disponibles pour les acteurs dans un délai raisonnable.
Toutefois, s’agissant du GPL, France gaz rappelle que la procédure douanière applicable au bioGPL est encadrée par la circulaire du régime fiscal du GPL. Cette dernière prévoit que le bioGPL est enregistré sous les mêmes codes douaniers que le GPL fossile.
Aussi, un travail doit être effectué avec les douanes françaises avant que la filière du bioGPL ne puisse réellement entrer dans le dispositif de l’IRICC. C’est la raison pour laquelle nous demandons, comme cela est le cas dans le projet soumis en consultation pour les carburants gazeux, que le dispositif soit applicable à la filière GPL à compter de 2028.
Outre l’énergie renouvelable appelée par les sous-objectifs sectoriels, n’importe quelle énergie renouvelable ou bas carbone pourra contribuer à l’objectif global de réduction d’intensité carbone. Cette fongibilité entre secteurs vous parait-elle pertinente ? Si non, quelle fongibilité proposeriez-vous ?
La fongibilité entre secteurs pour l’objectif GES est pertinente. En revanche, pour les objectifs ENR ou avancés, la non-fongibilité stricte limite la rationalité économique du dispositif.
Nous suggérons donc d’autoriser une fongibilité partielle et encadrée (par exemple limitée à 1 %).
Les gaz résiduels issus des procédés de raffinage sont aujourd’hui réinjectés comme combustibles dans le procédé de raffinage. La combustion de ces gaz entraîne l’émission de CO2. Une option envisageable pour décarboner ces gaz résiduels est de les craquer dans des vaporéformeurs pour séparer la partie combustible (alors sous forme de dihydrogène) de la partie gaz à effet de serre qui serait captée et stockée. La partie combustible H2, sous réserve que la capture de CO2 soit suffisante pour que l’hydrogène puisse être considéré comme bas-carbone, serait réutilisé dans le procédé de raffinage en remplacement des gaz résiduels. L’hydrogène ainsi utilisé devrait-il être intégré dans l’IRICC ? Dans quelles conditions ? A quelle échéance, cette introduction nécessitant une hausse de l’objectif global ?
A ce stade, la filière s’inquiète de l’impact que pourrait avoir une telle disposition sur la valeur des certificats tant sur l’objectif RNFBO que sur l’objectif global GES. Une telle disposition devrait être compensée intégralement par une hausse des objectifs GES.
En outre, il est important de tenir compte du cadre européen relatif à l’hydrogène bas-carbone (en termes de méthodologie de calcul des émissions de GES et d’objectifs de réduction des GES).
Libre
La consultation prévoit que le biométhane éligible au dispositif soit obligatoirement associé à une garantie d’origine (GO). Cette exigence ne pose pas de difficulté pour le biométhane produit en France et injecté dans le réseau de gaz naturel. En revanche, elle exclut de fait le biométhane dit « hors réseau », notamment celui qui est liquéfié directement sur site, et qui ne peut bénéficier de GO dans le cadre actuel.
Afin de garantir l’éligibilité de ce biométhane hors réseau, nous proposons que l’obligation de traçabilité soit assurée par la fourniture, par l’obligé, d’une preuve de durabilité (PoS), conforme aux exigences de la directive RED III.