Vous prenez la présidence de France Gaz Liquides. Quels sont les grands défis actuels pour la filière ?

Notre principal défi actuel est de faire reconnaitre les gaz liquides, et en particulier les biogaz liquides, comme des vecteurs essentiels pour la transition énergétique des territoires ruraux dans les textes programmatiques, en particulier la PPE. Les ruralités, dans leur diversité, ont des besoins spécifiques en matière d’énergie qui n’ont pour l’heure pas été suffisamment pris en compte. Le mix énergétique de la ruralité et ses énergies thermiques ont été pris au piège de l’électrification des débats. Tout en m’inscrivant dans la continuité des mandats précédents, il nous faut porter plus haut et plus fort la voix de ces territoires et corriger ce déni de ruralité de la planification de la transition énergétique.

La filière doit par ailleurs poursuivre ses efforts d’innovation. La pyrogazéification peut par exemple ouvrir de nouvelles perspectives de complémentarité entre tous les acteurs de l’industrie gazière et de développement de nouvelles molécules prometteuses comme le diméthyléther renouvelable (rDME).

Dans un contexte politique et réglementaire actuel, comment entendez-vous défendre la place des gaz liquides dans le débat énergétique ?

Si le contexte politique actuel porte son lot d’incertitudes pour tout acteur économique, nous abordons la période qui vient avec sérénité. Nos efforts pour sortir la ruralité et sa transition énergétique de l’angle mort des politiques publiques ont commencé à porter leurs fruits. Nous constatons que nos messages ont été entendus.

Le dernier projet de décret de la PPE reconnaissait bien les GPL carburant et combustible comme étant un vecteur énergétique important dans les zones hors des réseaux de distribution de gaz, clé dans certaines zones rurales. Notre étude « Energies et ruralité » menée en 2022 avec l’école des Mines Paris-PSL est explicitement mentionnée dans le rapport d’Antoine Armand suite à l’examen de la PPL Gremillet à l’Assemblée Nationale. Ce sont là des preuves que les problématiques que l’on soulève sont désormais intégrées aux réflexions sur la transition énergétique et de l’aménagement du territoire. Reste bien entendu à transformer l’essai et inscrire un objectif de biopropane à horizon 2033 dans la PPE afin de poursuivre la feuille de route de décarbonation de la filière.

Le biopropane offre une trajectoire de transition énergétique pour la ruralité. Sans bioénergie adaptée à leurs besoins, les territoires ruraux risquent un enfermement dans des solutions énergétiques fossiles et la fiscalité qui les accompagne, menaçant ainsi la cohésion énergétique des territoires. N’ajoutons pas de fracture énergétique aux fractures sociale et territoriale. Nous devons être vigilants quant à l’avenir de la fiscalité de l’énergie réservé aux habitants et aux entreprises des ruralités. Nous savons, et des travaux d’économistes, d’EDF et de la Cour des Comptes l’ont montré, que ceux-ci sont plus sensibles aux hausses des coûts de l’énergie que les zones urbaines et densément peuplées. Nous organisons d’ailleurs avec notre partenaire le Parlement Rural Français un colloque centré sur ces questions le 26 novembre à Paris.

Quelles conditions doivent être réunies pour que le biopropane devienne un véritable levier de décarbonation des territoires ?

Le biopropane est déjà un combustible distribué depuis 2018 et en progression chez les utilisateurs professionnels et particuliers. Sa reconnaissance comme bioénergie dans les textes réglementaires et la planification de la transition énergétique doit permettre de poursuivre dans cette voie. Nous croyons aussi que l’augmentation de sa production et de sa distribution auront un effet positif sur les coûts.

Il est une alternative évidente aux gaz liquides fossiles, au fioul et au bois encore très présents en ruralité. Il est aussi et peut être surtout une alternative au tout électrique et aux PAC qui ne sont adaptées ni aux caractéristiques du bâti rural, ni aux besoins et usages des professionnels de ces territoires, ni aux capacités des réseaux de distribution électrique qui réclament d’énormes investissements publics.

Nous avons récemment mis à jour l’étude de son bilan carbone en analysant sa production et ses intrants de 2023. Ainsi, son facteur d’émission de 43g CO2eq/kWh, soit près de 85% en moins que le propane conventionnel et équivalent au bilan du biométhane (44g CO2eq/kWh), en fait une des meilleures solutions de transition énergétique ! Ces résultats viennent d’intégrer la base empreinte de l’ADEME. La solution est sur la table et les conditions sont réunies pour la mettre en œuvre !