Charlotte Roule, Présidente Exécutive de Storengy

Le stockage de gaz naturel est crucial pour la sécurité d’approvisionnement en France et en Europe. Quels sont les principaux défis auxquels Storengy est confrontée pour garantir cette sécurité, notamment en période de forte demande hivernale ?

Le stockage est indispensable à la sécurité d’approvisionnement des consommateurs français, au même titre que les terminaux méthaniers et le réseau de transport, avec lesquels nous travaillons au quotidien.
Pour garantir cette sécurité, Storengy fait face à plusieurs défis. Les incertitudes géopolitiques ont bouleversé les flux d’approvisionnement en gaz et complexifié la gestion des stocks pour nos clients, les fournisseurs de gaz. Les aléas climatiques, notamment lors des hivers plus rigoureux comme en 2012, accroissent en outre la demande de gaz, ce qui nécessite une gestion proactive des sources d’approvisionnement.
Rappelons aussi une évidence : pour soutirer des stockages en hiver et assurer cette sécurité d’approvisionnement, il faut déjà les remplir à des niveaux convenables en été.
En France, les stockages sont régulés depuis 2018, et nos clients sont tenus de les remplir a minima à hauteur de 85% de leurs souscriptions. Cela nous a permis, cette année encore, d’entrer dans l’hiver avec des stocks pleins.
C’est dans ce contexte que les équipes de Storengy se mobilisent au quotidien, pour assurer un fonctionnement performant et planifier rigoureusement les travaux de maintenance et de modernisation de nos équipements.
Au-delà d’être un actif crucial pour la sécurité d’approvisionnement gaz, le stockage est aussi indispensable pour la production et la flexibilité électriques. Conjuguer molécule et électron, c’est réussir la transition énergétique.

La crise énergétique a mis en lumière la vulnérabilité des approvisionnements en gaz. Quelles mesures Storengy prend-elle pour renforcer la résilience de ses installations et assurer une continuité de service pour ses clients ?

Bien avant le contexte énergétique incertain que nous connaissons depuis trois ans, les équipes de Storengy ont toujours œuvré à fournir un service fiable et sécurisé. Aujourd’hui, nous poursuivons la modernisation et la maintenance quotidienne de nos infrastructures .
En accord avec la Commission de Régulation de l’Energie qui assure un rôle clé dans le bon fonctionnement des marchés du gaz en France, nous investissons ainsi environ 200 M€ par an. L’objectif : rénover et moderniser nos installations existantes, mais aussi les développer – nous avons un projet d’augmentation de 1,6 TWh de notre capacité de stockage, qui sera opérationnel pour l’hiver 26-27.
Cela vise à prévenir les interruptions de service et à assurer une continuité d’approvisionnement optimale même en période de forte demande.

Avec la transition énergétique en cours, comment Storengy adapte-t-elle ses infrastructures de stockage pour intégrer des gaz renouvelables comme le biométhane et l’hydrogène ? Pouvez-vous nous parler du projet HyPSTER ?

Il est essentiel pour Storengy de contribuer à la décarbonation des énergies et de préparer ses installations à accueillir du biométhane et surtout de l’hydrogène.
Nos stockages aquifères reçoivent déjà du biométhane et du méthane de synthèse en mélange ; les pourcentages par rapport au gaz naturel devraient croître continuellement. Nos cavités salines, elles, stockent (grâce à HyPSTER*), et stockeront de plus en plus, de l’hydrogène – nos nouvelles cavités sont conçues « H2 ready ». Notre objectif est clair : atteindre 100% de gaz renouvelables dans nos stockages d’ici 2050.
Si l’on fait un zoom sur le stockage d’hydrogène, il emporte plus de défis, mais quel rôle crucial pour le système énergétique dans son ensemble ! La production électrique d’origine renouvelable, intermittente par nature, est aujourd’hui en partie perdue et génère un phénomène de prix négatifs… c’est une aberration. Utiliser à plein cette énergie en produisant de l’hydrogène, à un prix compétitif, en France passe par le stockage. Il apporte la flexibilité qui doit aujourd’hui compléter un système énergétique en pleine transition. L’énergie, sous forme d’hydrogène, peut être stockée en quantités importantes, sur des durées courtes et longues, et libérée selon la demande – importante ou plus modeste.
Concernant HyPSTER, c’est le premier démonstrateur de stockage d’hydrogène en cavité saline. Co-financé par l’Union Européenne (Clean Hydrogen Partnership), il vise à tester et valider le rôle du stockage dans la chaîne de valeur de l’hydrogène, pour être dupliqué ensuite à plus grande échelle et accompagner ainsi le développement de la filière en Europe. Les premières molécules ont été injectées en octobre 2024 et plusieurs simulations de cycles injection / soutirage d’hydrogène ont été réalisées avec succès depuis. C’est un pas décisif pour confirmer la faisabilité du stockage d’hydrogène à grande échelle en cavité saline, et nous en sommes fiers !

*Hydrogen Pilot Storage for large Ecosystem Replication